Magazine du design urbain

Expressions

Rip Hopkins l’homme décalé

Portrait © Rip Hopkins
Portrait © Rip Hopkins

Sa voix révèle la fraîcheur d’un esprit libre et anticonformiste.

Rip Hopkins, photographe en perpétuelle expérimentation, se trouve toujours là où ne l’attend pas. La tension ne lui fait pas peur, au contraire, il la recherche. Où ? Dans ces villes chaotiques qu’il a explorées en tant que photo-reporter pour l’agence VU, dans les métropoles remuantes du monde entier, ou encore à travers ses mises en scène d’hommes, de femmes, en décalage avec leur fonction, leur contexte. Pour l’Observatoire du design urbain, Rip Hopkins évoque ce rapport particulier aux objets et aux personnes qui fonde sa personnalité.

Bonjour Rip Hopkins, vous avez étudié à l’Ecole nationale supérieure de création industrielle à Paris. Dans quelle mesure votre formation de designer a t-elle influencé votre travail de photographe ?

Au cours de ma formation, j’ai appris à concevoir des objets par rapport à un usage précis, ou à améliorer leurs dysfonctionnements. Cela demande de renouveler la réflexion autour de l’objet, par rapport à un certain contexte.

Avec la photographie je fais la même chose : je cible la question qui m’intéresse et je travaille une approche par rapport au support, au public ciblé, au commanditaire s’il y en a un, afin de satisfaire tout cela, tout en gardant une marge de manoeuvre créative.

Projet : Un âge de fer et de béton © Rip Hopkins

Projet : Un âge de fer et de béton © Rip Hopkins

Vous mettez souvent en scène les objets de manière décalée, originale, que ce soit pour des objets d’art, de design, ou des objets du quotidien. Pourquoi une telle approche en photographie ?

En fait, mon sujet de prédilection, ce sont les gens, à travers des portraits ou des mises en scène qui les mettent en rapport avec leur environnement. Je photographie rarement les objets seuls, je les mets plutôt en rapport avec des personnes.

Et de même que je m’amuse à décontextualiser les gens par rapport à leur environnement, je sors souvent les objets de leur contexte, en décalant l’usage, le cadre dans lequel on a l’habitude de les voir, afin qu’on les perçoive autrement.

Les objets conçus pour nos villes vous semblent-ils présenter un intérêt particulier ? Quelle est votre démarche quand vous photographiez du mobilier urbain ?

Projet : Outlaws  © Rip Hopkins

Projet : Outlaws © Rip Hopkins

Les objets m’intéressent quand ils sont reliés à leur environnement. Le mobilier urbain est conçu pour des usagers qui ne l’ont pas vraiment choisi, car il est l’objet de commandes publiques. J’ai photographié le mobilier urbain de Marc Aurel car cela m’amusait de le faire, et aussi parce que Marc a une approche du mobilier urbain qui est plus sensible, plus proche de l’usager.

Vous êtes un Européen, d’origine anglaise, mais vous avez beaucoup voyagé dans des pays comme l’Ouzbékistan, la Roumanie, le Libéria… Dans quelle mesure les villes vous intéressent-elles en tant que photographe ? Les villes européennes ont-elles un intérêt pour vous, et si oui, lequel ?

Les villes m’intéressent pour le brassage de populations qu’elles engendrent. Elles sont des foyers d’énergie, de rencontres, de cultures, de tensions aussi. Dans les pays en voie de développement, cela reste assez mono-culturel. Les villes européennes sont plus dynamiques. A Bruxelles, Londres, Paris, le monde entier passe devant vos fenêtres. Je ne pourrai pas vivre dans une ville qui n’est pas une métropole, c’est une question d’ouverture d’esprit, de possibilités.

Projet : After paradise © Rip Hopkins

Projet : After paradise © Rip Hopkins

Constatez-vous une uniformisation des villes ?

Ce sont certains coins des villes qui s’uniformisent, ceux que la classe moyenne fréquente, et où sont implantés les centres commerciaux. Cette classe moyenne aspire à une évolution sociale et se voue au consumérisme, surtout en périphérie.
La classe ouvrière, elle, n’a pas ou peu le pouvoir d’achat d’accéder à ces magasins. La haute bourgeoisie a les moyens de fréquenter des petits commerces de qualité. Je pense que le paysage des quartiers dépend beaucoup du revenu de ses habitants.

Projet : Alchimistes aux fourneaux © Rip Hopkins

Projet : Alchimistes aux fourneaux © Rip Hopkins

Pour finir, comment décririez-vous votre évolution en tant que photographe, vue sous sous l’angle de la mise en scène, et de votre rapport aux objets ? Vers quoi vous dirigez-vous actuellement ?

Je n’ai pas une grande passion pour les objets car je n’y attache pas beaucoup d’importance. J’achète beaucoup en « second hand ».
En ce moment, depuis presque un an, je travaille sur une application de partage de trajet en voiture. Au lieu d’avoir un rapport de propriété à l’objet, je trouve intéressante l’idée de partager un objet qui est personnel, moyennant une motivation financière. Pour le moment je me consacre surtout à cela, tout en gardant mon activité de photographe en parallèle.

 

Projet : Alchimistes aux fourneaux © Rip Hopkins

Projet : Alchimistes aux fourneaux © Rip Hopkins

 

www.riphopkins.com