Magazine du design urbain

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L’imagination au service de l’usager : entretien avec Jean-Charles Decaux

JCDecaux, numéro un mondial de la publicité en aéroport
JCDecaux, numéro un mondial de la publicité en aéroport

Surprendre l’usager, lui apporter des services utiles et innovants : c’est le défi que relève chaque jour le groupe JCDecaux dans le monde entier.

Comment l’entreprise adapte-t-elle sa proposition de mobilier urbain, basée sur un modèle unique, aux spécificités des lieux et des événements ? Quels sont les services qui à l’avenir, accompagneront notre quotidien en ville ? En réponse à ces questions, l’Observatoire du design urbain a interrogé le codirecteur général de JCDecaux, Jean-Charles Decaux.

Jean-Charles Decaux, le rayonnement de JCDecaux est mondial. Des pays d’Europe au Kazakhstan, du Qatar à l’Inde, de la Corée du Sud au Brésil, vous exportez votre savoir-faire dans plus de 55 pays. Comment adaptez-vous une même proposition à ces singularités culturelles ?

Notre proposition est notre modèle économique unique qui a la capacité de s’adapter à tous les contextes et tous les pays, en fonction des attentes des villes, des autorités de transports, et plus généralement de nos partenaires au sens large. Nous pouvons ainsi mentionner des concepts aussi divers que nos Abribus au Japon qui intègrent parfaitement la culture du pays, le système de vélos en libre-service saisonnier de Kazan en Russie, les kiosques à journaux de San Francisco ou nos récentes horloges digitales à Sao Paulo. Cependant et quelles que soient les singularités géographiques ou culturelles, il existe en ville des attentes identiques comme s’abriter se déplacer, s’informer… Et nous proposons d’y répondre dans tous les lieux de mobilité avec un financement par la publicité.

Un Abribus JCDecaux au Japon

JCDecaux a adapté son offre Abribus aux spécificités culturelles du Japon

Quels pays ou quelles villes vous ont demandé le plus d’imagination quant à l’adaptation du mobilier urbain ?

Chaque ville comme chaque pays nécessite une approche innovante et créative.
Les horloges publicitaires de Sao Paulo, les très grands formats numériques extérieurs aux abords de la ville de Chicago ou les mobiliers digitaux au sein des Aéroports de Paris sont des exemples très représentatifs de l’expression des talents de notre entreprise pour une intégration réussie.

Vous parlez de la ville comme d’un « lieu de rencontre d’exception ». Quelles valeurs universelles souhaitez-vous mettre en avant à travers ce message ?

Les villes réunissent aujourd’hui plus de la moitié de l’humanité. Elles concentrent l’activité économique et politique des pays et ont toujours été, depuis l’Antiquité, le creuset des évolutions sociales et culturelles. Ce sont souvent dans les villes que sont nées les innovations et de nombreux exemples en témoignent à travers les époques et les continents.
Les villes concentrent aujourd’hui des enjeux majeurs de la société. Nous devons donc y proposer nos produits et services en répondant à de véritables usages tout en y respectant l’espace public et en y développant des approches durables sans cesse optimisées.

JCDecaux Innovate développe l'interactivité entre affichage et usagers

JCDecaux Innovate développe l’interactivité entre affichage et usagers

L’espace urbain est par nature un lieu de rencontre. C’est pourquoi JCDecaux développe des dispositifs de communication souvent inédits pour les marques : c’est dans les villes qu’elles peuvent aller à la rencontre de leurs publics et instaurer un véritable dialogue.

Le projet expérimental Mobilier Urbain Intelligent, à Paris, a permis à JCDecaux d’installer six concepts innovants dans la ville pendant plus d’un an. Quels sont les enseignements de cette expérimentation ?

Nous avons conçu six innovations destinées à découvrir la ville, à y travailler ou même à y jouer, en faisant aussi bien appel à des concepts de mobiliers qu’aux technologies digitales. Le trait d’union de ces projets est le numérique et plus particulièrement la mise à disposition, sur l’espace public, d’écrans, tactiles ou de diffusion, permettant d’accéder à des informations, des contenus et des services très variés.
Les enseignements majeurs sont l’accueil très positif de ces innovations et le très large intérêt pour les interfaces tactiles sur l’espace public.
Par exemple, l’Escale Numérique, un espace de pause physique et numérique installé au Rond-Point des Champs-Elysées, proposait des assises, des prises de courant, du Wifi, un espace abrité dont le toit a été végétalisé. De même, Play, installé Square du Temple, à proximité des tables d’échec historiques, est un ensemble de tables de jeux numériques tactiles.
Dans un contexte d’accélération de l’équipement en smartphones, ces écrans apparaissent comme une proposition complémentaire très pertinente. D’ailleurs, plus de 70% des utilisateurs que nous avons interrogés dans le cadre de l’expérimentation possédaient un tel équipement personnel.

Affichage pour le concert Pearl Jam, Chicago

Un affichage insolite à l’occasion du concert de Pearl Jam, à Chicago

A Chicago, vous avez récemment créé le buzz autour du dernier concert de la tournée de Pearl Jam, grâce à un affichage original. Les usagers devaient décoller des stickers de l’Abribus pour découvrir l’annonce du concert. Cette idée d’interactivité ludique a-t-elle de l’avenir ?

Les marques disposent d’un terrain d’expression inégalé dans les villes et les lieux de mobilité.
Les citadins sont partout très réceptifs à la présence des marques qui les surprennent et leur font vivre, ne serait-ce qu’un court instant, une expérience inédite, souvent dans un esprit de générosité partagée.
JCDecaux Innovate, présent dans près de 40 pays, est l’interlocuteur des marques pour développer des dispositifs événementiels créatifs, souvent ludiques, qui permettent de créer une relation de proximité et de réel échange entre ces marques et leurs publics.
C’est parce que ces dispositifs de communication créatifs et innovants font appel à la participation du public dans le monde physique qu’ils sont très souvent relayés sur les réseaux sociaux. Vivre un événement et être là où un dispositif éphémère a eu lieu, est un instant rare que les citadins apprécient de partager.
Ikea a, par exemple, recrée des espaces de confort dans 20 Abribus parisiens au travers de l’installation de canapés de la marque. Nous avons pu observer de très nombreux relais sur Facebook où les utilisateurs ont posté des photos d’eux dans ces Abribus aménagés.

Un salon Ikea à Paris Charles de Gaulle

Un salon Ikea Lounge à l’aéroport Paris Charles de Gaulle

Les espaces d’attente évoluent vers plus de convivialité et de confort. Quels services vont se développer selon vous? Seront-ils automatisés ou une présence humaine sera-t-elle envisageable pour animer un corner restauration par exemple ?

Qu’ils soient humanisés ou non, ce sont les services utiles au quotidien des citadins qui se développeront demain ainsi que ceux capables d’apporter un confort d’attente à haute valeur ajoutée. Il en va ainsi des lounges sponsorisés dans les aéroports ou encore des dispositifs mis en place dans les gares londoniennes pour donner la parole à la communauté, avec recommandations de livres animées via Twitter et relayées en temps réel sur un écran géant. Nous pourrions également mentionner le challenge Scrabble sur Twitter et sur écran géant, toujours dans les gares londoniennes.
Dans le domaine des services pratiques, le confort des utilisateurs est souvent apporté par la qualité de l’information, sur les transports bien sûr, mais l’attente des citadins va plus loin. Comme nous avons pu le constater au cours de l’expérimentation parisienne de Mobilier Urbain Intelligent, il existe une réelle appétence pour l’apport de contenus et de services sur l’espace public.
Les services humanisés présentent également un intérêt, dès lors qu’ils apportent une complémentarité à ceux qui existent déjà sur l’espace public. Installer un corner restauration doit faire sens dans le lieu où celui-ci est implanté, comme en témoigne le succès en France des food- trucks. Le plus important est de concevoir des services de qualité qui apportent une réelle valeur ajoutée et perçue comme telle par le public.

La qualité d’un espace est aussi liée à son éclairage. La luminothérapie fait-elle partie de vos sujets d’études?

Ce sont des sujets qui ont été traités de manière très ponctuelle pour certaines marques, par exemple en Islande et en Estonie récemment, mais cela reste éphémère.
L’éclairage revêt pour nous deux aspects majeurs. Sa qualité et son design permettent à la fois de signer un mobilier sur l’espace urbain, de le signaler et de procurer à ses utilisateurs un sentiment de sécurité. Ce sont des éléments de confort essentiels qui signent une ambiance comme les ellipses lumineuses qui cerclent le chapeau des stations Vélib’.
De plus, nous travaillons continuellement à l’amélioration du rapport entre la qualité de l’éclairage, son rendement et les économies d’énergie. Grâce aux nouvelles technologies en particulier, nous avons réduit de 30% l’énergie consommée par certains mobiliers. Proposer les mobiliers et les services les plus respectueux de l’environnement est l’un de nos engagements.

Colonne JCDecaux

Jeux d’éclairage entre mobilier urbain et avenues somptueuses à Paris

Quelle part accordez-vous à l’esthétique, du design à l’éclairage, lors de la conception de vos projets ?

C’est une part majeure car le mobilier urbain qui accueille du public, comme les Abribus ou les sanitaires automatiques, doit procurer un sentiment de confort immédiat et d’attractivité. C’est le rôle du design, évidemment essentiel dès les phases de conception de chaque projet.
JCDecaux a une longue histoire avec les designers et les architectes. Plus de 50 signatures du design mondial ont travaillé avec nous à embellir et rendre plus accessibles et familières les villes du monde entier.

Une autre de vos activités concerne les systèmes de vélos en libre-service. Dans quelles villes rencontrent-elles le plus de succès ?

A date, notre système de vélos en libre-service est implanté dans 13 pays sur la base de 29 systèmes différents couvrant près de 60 villes.
Dans toutes ces villes, du Nord au Sud de l’Europe, de l’Australie au Japon, que l’implantation soit de grande ampleur comme Vélib’ à Paris – 23 100 vélos – ou plus modestes à Kazan où ont été installés 260 vélos, ils ont rencontré leur public. Chaque jour, nos vélos font le tour du monde.
A Paris, Vélib’ enregistre chaque jour entre 100 et 140 000 utilisations quotidiennes.
En Espagne, à Séville et Valence, ou encore à Dublin en Irlande, nous constatons également de très forts taux d’utilisation;

JCDecaux-Airport-Paris-Orly-Ouest-Renault

L’écran géant digital de 17 m2 installé à l’aéroport de Orly Ouest

Pour conclure, vous travaillez activement à humaniser la ville, et ceci dans le monde entier. De quelles réalisations êtes-vous sur ce plan le plus satisfait ?

Il est toujours délicat de hiérarchiser des réalisations aussi diverses que celles que nous avons pu mener dans le monde. Cependant, et pour ne mentionner que celles qui ont sans doute la dimension la plus emblématique, je citerais pour Paris les Vélib’ pour leur incroyable succès populaire et les Sanitaires à entretien automatique qui se fondent magnifiquement dans le paysage, les Abribus du Japon, et notamment ceux installés à Kyoto, pour le travail de très longue haleine qu’il a fallu effectuer pour que la loi change et autorise notre modèle, les Aéroports de Paris qui représentent un modèle de transformation digitale parfaitement exécuté, les horloges digitales de Sao Paulo qui signent le retour de la publicité urbaine dans cette ville ou encore les écrans digitaux de Chicago qui symbolisent la première grande implantation de Digital urbain sur l’espace public aux Etats-Unis.

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