Depuis quelques mois dans Paris, le 4ème arrondissement accueille sa première « conciergerie de quartier ». Sur sa façade, on peut lire « Lulu dans ma rue » et au guichet, c’est toujours un concierge au franc sourire qui nous accueille. Nous avons interrogé Charles-Edouard Vincent, le fondateur de ce nouvel espace où les habitants du quartier peuvent venir trouver de l’aide.
Au quotidien, on peut souvent avoir besoin de quelqu’un pour effectuer une tâche. C’est facile à imaginer pour une personne âgée seule qui n’a par exemple pas assez de force pour porter une charge lourde dans ses escaliers. Facile aussi d’imaginer que l’on ait besoin de quelqu’un pour monter un meuble en kit parce que l’on a pas forcément les bons outils chez soi. Pour tous les petits travaux au quotidien, la probabilité d’avoir dans son entourage la bonne personne est souvent mince. Alors l’idée de Lulu dans ma rue est de construire un réseau de personnes capables de rendre service dans le quartier. Nous mettons en relation des personnes en quête de services les plus divers (bricolage, promenade des animaux, ménage…) avec leurs voisins qui ont le savoir-faire, le temps et l’envie d’être utiles.
Comment vous organisez-vous pour mettre en relation les personnes ayant besoin d’aide ? Le kiosque est-il le lien ?
La démarche est la suivante : il suffit de se présenter au kiosque, l’un de nos concierge réceptionne la demande et trouve le Lulu adapté pour y répondre. Il y a deux idées derrière cela : mobiliser des travailleurs pour des petites tâches qui ne trouveraient pas forcément preneur. J’entends par là que notre but n’est pas de cannibaliser la concurrence, la plupart des entreprises n’accepteraient pas de se déplacer pour des services si minimes. Et bien sûr, la seconde idée est de renforcer le lien social en faisant jouer le réseau du quartier. Cela fait sens de faire appel à quelqu’un proche de soi. On peut également utiliser le site internet ou le téléphone. Dans tous les cas, le réseau est assez dense pour que l’équipe trouve un Lulu adapté à chaque demande car il y a beaucoup de talents dans le quartier.
Quel est le profil des personnes qui participent au projet et qui viennent vous rencontrer ?
Au départ, les Lulus étaient des personnes en situation d’exclusion, c’était un moyen pour elles de se reconnecter à un monde proche du travail en participant à une activité économique mais aussi sociale. Nous souhaitions réconcilier deux mondes qui se rencontrent rarement : le monde de l’économie et le social. Quand ces deux mondes se rapprochent, cela a plus d’impact. Aujourd’hui, nos Lulus ont des profils très variés. Beaucoup de ces personnes sont des salariés qui donnent un coup de main après leur travail. Pour les « clients », nous avions un plus grand nombre de femmes de 40 ans et plus, mais cela se diversifie aussi au fil des mois.
Comment avez-vous été accueilli dans l’espace urbain ? Quelles ont été les réactions de la mairie de Paris et des voisins ?
Le projet a pu s’implanter dans le 4ème arrondissement car nous avions le soutien de la municipalité. Notre idée est d’étendre le projet aux autres coins de Paris, mais aussi à toute la France. En ce qui concerne l’accueil du public, quand nous avons installé le kiosque rue Saint-Paul, les passants étaient très curieux, puis ils nous ont manifesté leur sympathie. Si les classiques questions « que faîtes-vous là ? » étaient nombreuses au départ, l’enthousiasme n’a pas tardé à être monnaie courante. Nos Lulus, qui ont tous la géniale qualité « d’avoir le sourire » apportent de la bonne humeur dans le quartier. Comment se passer de cet élément si important dans une ville grande comme Paris où l’on ne fait que croiser ses propres voisins ?
La présence physique du kiosque rappelle l’esprit du projet : retrouver un service de proximité dans la ville. Auriez-vous pu envisager une seule présence virtuelle (via une application) ?
Impossible de remettre l’humain au cœur de la ville en choisissant l’unique atout du virtuel. C’est évidemment très pratique et nous nous en servons aussi pour communiquer. Mais l’idée de Lulu dans la rue est de repousser l’anonymat dans le quartier grâce à la conciergerie. Dès la première rencontre au kiosque, il y a un échange, on met un visage sur notre projet et les gens aiment cela car ils peuvent identifier qui nous sommes. Les gens adhèrent très bien à l’idée d’une présence physique, parfois lassés de l’immatérialité de certains services. La conciergerie physique s’apparentait à la meilleure solution pour retrouver une ville plus humaine.
Avez-vous des pistes de réflexion pour imaginer le futur de nos villes ?
Il s’agit d’améliorer la façon dont nous vivons ensemble et comment nous nous accaparons l’espace public. Pour moi l’individu ne doit pas seulement se reposer sur les propositions de l’État. Il faut au contraire se détacher de cette pensée pour lancer des petites initiatives à une échelle moindre pour agir ! L’objectif n’est pas forcément de développer des services pour gagner de l’argent, mais l’important est de créer du lien. Chacun peut s’emparer des problèmes qui touchent l’espace urbain et la vie en général, en rejoignant des associations diverses qui font sens.