Jean-Christophe Ragni est Directeur Général Associé de l’entreprise familiale Ragni, l’un des leaders français de la fabrication de luminaires d’éclairage public. Ses convictions pour demain ? Une vision globale de l’éclairage, et le développement d’une ville plus fluide et mieux connectée.
Jean-Christophe Ragni, depuis 1927, Ragni propose des solutions d’éclairage basées sur l’innovation : quels sont vos derniers axes de recherche ?
Dans notre métier, il faut toujours être rapide pour développer et intégrer de nouvelles technologies. Je pense d’abord à la LED qui a été une révolution primordiale dans de nombreux pays. Le solaire (les candélabres solaires) tient aussi une place importante dans notre démarche d’innovation. Et il y a bien sûr le mouvement de la smart city, la ville intelligente et connectée, dans laquelle l’éclairage est pleinement modulable.
Votre structure familiale est-elle un secret de votre longévité ? Qu’est ce que vos clients apprécient dans cette organisation ?
Nous sommes effectivement une structure familiale, cinq membres de la direction font partie de la famille Ragni. Nous sommes très fiers de notre indépendance et de nos valeurs, car tout est une question de passion pour cette société et ce qu’elle véhicule. Notre motivation, c’est l’humain. J’aime cette remarque que nous ont déjà fait plusieurs visiteurs : « les gens sont heureux chez vous ! ». C’est un moteur pour animer cette entreprise qui compte près de 80 personnes (dans l’ensemble de ses différentes structures) ainsi que de nombreux sous-traitants. Nous travaillons avec des collaborateurs dont certains sont là depuis 25, 30 ans, et ils sont très impliqués dans la vie de l’entreprise.
L’efficacité énergétique, est-ce un critère de choix déterminant pour vos clients ?
C’est un sujet paradoxal. L’efficacité énergétique est perçue comme un impératif, mais dans les faits, cela ne suit pas toujours. Il faut du budget pour investir, et ce n’est pas donné à toutes les villes. Un exemple : les entreprises d’éclairage qui se sont uniquement concentrées sur le solaire connaissent aujourd’hui plus de difficultés que les autres. C’est une démarche enclenchée il y a plus de huit ans et qui n’est toujours pas complètement intégrée.
L’autre problème, c’est qu’il y a souvent plus d’enjeux dans des projets esthétiques que dans l’économie d’énergie, parce que c’est plus visible à court-terme. Ce qui frappe, c’est le contraste entre des lieux stratégiques comme un centre-ville et des endroits plus reculés dans la ville, qui ne bénéficient pas des mêmes investissements. On manque d’une démarche globale.
Aujourd’hui, l’entreprise est particulièrement présente à l’export : quels sont les points forts qui vous permettent de remporter ces projets ?
En fonction des années, l’export représente 18 à 25% de notre activité. Le secret pour que ça se passe bien (si c’en est un !), c’est l’investissement personnel, on ne compte pas les heures. Je pense également que notre modèle d’entreprise familiale séduit nos partenaires étrangers, le facteur « nom de famille » est important. Ils peuvent avoir un lien direct avec les membres du directoire, et dans certains pays, cette proximité est essentielle.
Pour se développer à l’étranger, il faut générer de la confiance et être flexible pour pouvoir s’adapter à chaque marché et se rapprocher des marchés en développement. Et une fois encore, c’est l’humain qui prime : par exemple en Amérique du Nord, nous avons eu la chance de trouver quelqu’un de très efficace prêt à se battre pour nous. Grâce à cette rencontre nous avons ouvert une filiale à Denver, et nous comptons aujourd’hui plus de 25 agences de représentation de notre offre aux Etats-Unis et au Canada. En fait, on peut travailler dans le monde entier, il faut juste trouver LA bonne personne, le partenaire qui va maîtriser les règles du jeu. Il faut aussi beaucoup se déplacer, car malgré les nouvelles technologies qui facilitent les échanges, l’export ne se fait pas (seulement) depuis son bureau.
Quelle est votre vision de l’éclairage du futur ?
La ville de demain (et son éclairage), je l’imagine à mon niveau. C’est une ville dans laquelle rien ne me gêne, tout est intégré dans un système urbain. Elle serait fluide, simple, intuitivement compréhensible par tous, et offrirait un confort de vie au quotidien. Aujourd’hui c’est compliqué car on manque d’une vision globale, les priorités ne sont malheureusement pas les mêmes partout et ça se ressent dans la disparité des choix.
Et puis cette ville idéale va de pair avec une éducation des citoyens, pour préserver le capital de la ville. Aujourd’hui, souvent, ce qu’on fait de bien est abîmé ou détruit. Il faut également les sensibiliser à une autre esthétique urbaine, car les codes du passé agissent parfois comme des carcans. Les gens se disent qu’un candélabre doit être massif, et c’est tellement intégré dans les esprits que si on fait quelque chose de plus petit, ça ne passe pas. Accompagnons l’évolution des mentalités pour changer la ville !