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La ville idéale, en révolution permanente


Enigme architecturale, sociale, politique, la ville idéale n’a jamais vraiment existé. Bien des architectes, illuminés ou rationalistes, ont tenté d’élaborer le plan de cette cité idyllique qui assurerait une vie politique et sociale harmonieuse.

Ainsi de la ville musée à la cité building, le promeneur solitaire ira de surprise en surprise. Sa rencontre avec l’autre serait-elle le but ultime de sa visite, et la fonction première de cette ville rêvée ?

Florence, un passé riche, un présent contraignant

Construite sur le modèle de la cité romaine, la ville de Florence a acquis sa grandeur et sa beauté au fil des siècles. Les maîtres de la Renaissance y ont laissé leur empreinte, tel le grand architecte Brunelleschi, qui applique, au début du Quattrocento, les principes de la perspective afin de rationaliser l’espace urbain. Au cours des siècles, le pouvoir politique convoque ainsi artistes et architectes, pour affirmer sa puissance. Puis, devenue capitale du royaume d’Italie au XIXe siècle, elle s’équipe en infrastructures modernes, dédiées au transport notamment.

Aujourd’hui, Florence est une ville qui présente toujours, par trames superposées, une harmonie de proportions et une unité indéniable. C’est une ville qui regorge de musées, d’oeuvres d’art, de bâtiments magnifiques. Une partie du centre-ville est réservée aux piétons : en marchant, le bruit s’estompe, le rapport à l’espace change, c’est un vrai luxe pour le promeneur.

La Via san Leonardo, dans le centre-ville de Florence

La via San Leonardo, dans le centre-ville de Florence

Cependant, vivre dans une ville historique qui n’a pas été structurée selon les exigences du monde moderne s’avère souvent contraignant. Dans les années 80, prendre un train de Florence ou de n’importe quelle ville italienne, signifiait partir à l’aventure, sans savoir à quelle heure on arrivait. Si l’on juge une ville à la qualité de ses transports collectifs, des équipements et des services qu’elle propose, Florence est, même aujourd’hui, loin d’être parfaite. De plus, son centre historique est envahi par les grandes enseignes que l’on retrouve dans toutes les grandes métropoles. L’uniformité grignote peu à peu les spécificités, des commerces notamment, qui créent l’âme de la ville.

L’équilibre entre paysage et densité, clé du bonheur citadin

Le bon vivre au sein d’une ville est largement déterminé par la qualité de ses transports collectifs, mais aussi sa propreté, ses équipements, la qualité des informations disponibles pour le citoyen. On rêve à un usage de la voiture limité, à la possibilité d’utiliser facilement les moyens de transport alternatifs, du vélo au tramway, en passant par le bus à haut niveau de service, le métro. On voudrait assurément une ville moins bruyante, moins polluée.

Kungsträdgården, Stockholm

Kungsträdgården, à Stockholm

Surtout, c’est la présence du paysage, en alternative à la densité urbaine, qui crée un équilibre vital. Stockholm et Berlin sont des villes qui ont su préserver leur harmonie entre densité urbaine et nature. Berlin possède de nombreux parcs, des lacs, des rivières où leurs habitants peuvent se ressourcer. Stockholm, construite sur plusieurs îlots de la mer Baltique, propose également cette possibilité. La qualité des espaces naturels a été préservée.

À l’opposé on trouve Paris, qui n’a pas su maîtriser les limites de son développement, à l’intérieur comme à l’extérieur. La ville gagne subrepticement la campagne alentour, selon un schéma urbain qui n’est pas maîtrisé. Naissent alors d’immenses zones pavillonnaires : l’habitant vit dans des lotissements où l’on ne se trouve ni à la ville, ni à la campagne. L’usage de la voiture revient en force. C’est ce schéma d’extension anarchique qu’il faut absolument éviter.

Et pourquoi pas Hong Kong, cité hyperactive et maîtrisée ?

À Hong Kong, la densité urbaine est parfaitement maîtrisée. Certes, d’immenses gratte-ciels peuplent le territoire, mais à l’extérieur, les paysages sont intacts. Voilà une ville où l’activité est concentrée à certains endroits, et ceux-ci sont très bien équipés, en moyens de transport comme en services. Cela donne une fluidité extrême à la ville. Les nombreux quartiers sont bien délimités, avec chacun leur spécificité, et on peut toujours en percevoir les limites. A l’extérieur, on retourne à une nature préservée. C’est une idée majeure du développement durable : densifier plutôt qu’étaler. Contrairement à ce que l’on peut croire, une ville hyperactive peut être très agréable à vivre, du moment qu’elle propose des structures et des équipements convenables.

Enfin, une cité bien organisée amène ses habitants à se l’approprier, et à l’aimer. La vie sociale s’en trouve réellement améliorée. Hong-Kong a réussi ce pari, qui consiste à préserver son identité tout en se renouvelant constamment. C’est un enjeu majeur pour les villes européennes, étouffées par leur propre histoire : continuer à valoriser leur patrimoine sans se transformer en musées, fluidifier et moderniser leurs structures afin de conserver un fonctionnement sain de la société. Un défi toujours à relever pour les urbanistes.

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