Comment convaincre les municipalités de renouveler leur mobilier urbain ?
Alors que des sommes importantes sont investies dans les revêtements de sols, les réseaux divers, l’éclairage, la part réservée au mobilier urbain est très souvent remise en cause. Soupçonné d’être coûteux, fragile, difficile à entretenir, le mobilier neuf, à l’instar de son créateur le designer urbain, pâtissent de certaines idées reçues qu’il est important de bousculer.
Le designer urbain, créateur d’un espace public à l’échelle de l’usager
Lorsqu’une municipalité fait appel à un designer urbain, elle fait preuve d’une démarche engagée autour de la pratique de l’espace public. Elle pose la question de la qualité et du confort qui déterminent la relation entre l’usager et sa ville.
L’intérêt pour une municipalité est d’aller jusqu’au bout de la réflexion engagée sur l’aménagement de l’espace public. Le designer est encore trop peu présent dans cette démarche. Quel est l’intérêt de son intervention ? En amenant la réflexion sur la ville à l’échelle de l’objet, il participe à créer un espace public plus ouvert, plus proche des usagers. La ville est à tous, elle doit le rester, afin de permettre la rencontre, l’échange, et ne pas être uniquement un espace occupé par les commerces.
Faire appel au designer, c’est obtenir une expertise spécifique de l’espace public en termes de besoins pour l’usager, et aussi d’implantation. Si la municipalité achète son mobilier sur catalogue, cette expertise sera absente.
Aujourd’hui ce travail n’est que peu ou pas reconnu. Or il représente un vrai apport en terme d’analyse du contexte urbain.
Une mission d’expertise aux coûts maîtrisés
En tant que designer urbain, mon rôle est d’être un expert en espace public sur la question des usages et de la qualité des services. Lorsque j’interviens sur un projet, j’apporte une vision globale sur le rôle du mobilier urbain dans son interface avec l’utilisateur. Les municipalités continuent à croire que le designer est un revendeur de mobilier. Or de par sa démarche, il apporte tout un travail d’analyse en amont.
Le coût du design est aussi lié à cette mission d’expertise qui amène à la production de l’objet. Ces objets seront ensuite conçus de façon industrielle, ce qui justifiera leur coût et permettra d’envisager leur mise en catalogue. Je m’efforce d’intégrer cette logique de fabrication industrielle aux objets que je conçois, car seule la reproductibilité permet la maîtrise des coûts.
Enfin, il est intéressant de noter que la part de l’investissement en mobilier urbain sur la part globale d’un chantier est plutôt faible, de l’ordre de 3 à 5 %, alors que son rôle est essentiel.
De l’intérêt d’innover : des prix équivalents du neuf à l’ancien
A fonction égale, la différence de coût entre un produit catalogue et un produit dessiné est marginale. Car le fabricant, dans le but d’intégrer des objets nouveaux à son catalogue, intégrera ses coûts d’investissement au prix de l’objet sur le long terme, dans la perspective de vendre sur d’autres marchés.
Innover n’est donc pas si coûteux, d’autant plus que la valeur ajoutée à ce mobilier en termes d’expertise est importante. Un mobilier urbain neuf apporte des réponses adéquates à des pratiques urbaines qui ne cessent d’évoluer.
La valeur de l’expertise du designer urbain est largement justifiée. Elle est d’autant plus utile qu’elle apportera des réponses nouvelles à des problématiques d’importance telles que son entretien.
La question de l’entretien: quelles solutions pour l’avenir ?
La responsabilité du designer est de concevoir un mobilier urbain facile à entretenir, à travers le choix des matériaux et des revêtements. Les municipalités attendent des réponses concrètes à ce sujet, à cause des dégradations opérées par la nature et les civils, mais aussi des coûts de gestion importants qu’il engendre.
Au vu des évolutions récentes, il est fort probable que le modèle actuel, soit l’entretien du mobilier urbain par les agents municipaux, soit appelé à disparaître au profit d’un modèle de gestion de type JC Decaux. Dans un futur plus ou moins proche, les municipalités achèteront leur mobilier urbain à des entreprises telles que JC Decaux, ou à d’autres qui auront compris l’intérêt d’une démarche globale. Ce mobilier sera entretenu par ces sociétés. Quelle en sera la contrepartie ? Probablement la publicité mais également de nouveaux services qui permettront le financement de la gestion et de l’entretien du mobilier.
Ainsi même s’il restera toujours en France, de par notre culture républicaine, un contrôle citoyen sur la qualité de l’espace public et ses équipements, je pense que sa gestion interne sera de plus en plus déléguée. Ces modèles sont en pleine mutation et modifieront par conséquent le modèle de production de l’objet public. Aux entreprises et industriels de prendre en compte ces mutations… au risque de ne plus pouvoir s’adapter ensuite.
Innover avec des matériaux nouveaux : la modernité de la céramique
Une ultime idée reçue récurrente dans l’argumentaire public concerne les nouveaux matériaux, notamment la céramique, qui ne serait pas assez solide. La réalité se place pourtant à l’opposé.
Ce matériau que j’ai contribué à introduire dans la fabrication du mobilier urbain, et avec lequel je travaille depuis trois ans, a été développé en collaboration avec le CRAFT Limoges (Centre de recherche sur les arts du feu et de la terre) et le Pôle européen de la céramique. Ensemble, nous avons développé des procédés techniques très innovants qui assurent à la fois solidité et esthétique à la céramique.
La céramique a toutes les qualités : en plus d’être solide et esthétique, elle est facile d’entretien et écologique. Elle correspond aux attentes des usagers en termes de qualité, de propreté et de confort. Suite aux enquêtes réalisées par les institutions qui nous on fait confiance, la RATP notamment, elle véhiculerait une vision qualitative du mobilier urbain.
A mon sens, elle représente l’avenir car elle est à la fois écologique et performante.
Ainsi loin de l’improvisation, l’innovation est très encadrée, par le designer comme par les industriels qui la fabriquent.
Un mobilier urbain neuf concrétise l’expertise du designer urbain en apportant des réponses adéquates aux nouvelles pratiques de l’espace public, dans une logique de qualité et de maîtrise des coûts.